La Commission européenne dénonce des restrictions aux exportations et aux investissements européens prises par les autorités algériennes depuis 2021. La plupart de ces mesures visaient à doper la production locale, mais elles brouillent les pistes alors que le pays cherche à s’ouvrir aux investisseurs étrangers.
« L’objectif de l’UE est d’engager un dialogue constructif avec l’Algérie en vue de supprimer les restrictions dans plusieurs secteurs, allant des produits agricoles aux véhicules à moteur », explique la Commission dans un communiqué publié vendredi. Bruxelles liste ainsi huit griefs à l’encontre de son partenaire algérien. Parmi eux, un certificat exigé depuis 2022 pour importer en Algérie mais qui est fréquemment refusé de manière « arbitraire et immotivée » aux entreprises européennes. « Un système de licences d’importation ayant les mêmes effets qu’une interdiction d’importation », estime la Commission.
Les Européens dénoncent aussi l’interdiction depuis cette année de domiciliation bancaire de toute entreprise important des produits en marbre et en céramique sous leur forme finale qui équivaut de fait à une interdiction d’importation de ces produits. Ou encore l’obligation pour les constructeurs automobiles d’intégrer un pourcentage croissant de produits locaux pour la fabrication de véhicules et des subventions conditionnées au respect de cette règle.
Exportations européennes en chute
La Commission précise avoir alerté les autorités algériennes à plusieurs reprises sur ces mesures qui violent, selon elle, l’accord d’association UE-Algérie entré en vigueur en 2005 et entravent le commerce bilatéral. Si l’UE reste le premier partenaire commercial de l’Algérie, représentant un peu plus de 50 % des échanges extérieurs de cette dernière, les exportations européennes ne cessent de diminuer depuis une décennie : de 22,9 milliards en 2014 à 14,9 milliards l’an dernier, soit une chute de 45 %.
La Commission dit également avoir envoyé des représentants à Alger en janvier pour tenter de résoudre les différends. En vain. D’où cette procédure destinée à « préserver les droits des entreprises et exportateurs européens exerçant en Algérie », justifie la Commission, qui note au passage que « les mesures algériennes nuisent également aux consommateurs algériens en raison d’un choix de produits indûment restreint ».
Doper la production locale
Hormis la crise algéro-espagnole, la plupart de ces mesures ont en fait été prises en réponse à la crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19. L’Algérie cherchait alors à limiter ses importations pour combler ses déficits. Dans le même temps, le pays, désireux d’entamer une diversification de son économie, s’efforçait d’ attirer les investissements étrangers en modifiant sa réglementation et en allégeant çà et là la lourdeur bureaucratique, véritable frein à l’investissement. Objectif affiché : doper la production locale. Quitte à aller trop vite, de manière parfois désordonnée, comme lorsque le gouvernement a drastiquement diminué les importations de lait en poudre en 2021 avant de faire marche arrière, faute d’un cheptel suffisant de vaches laitières pour compenser.
Conséquence, « il y a un problème de cohérence, de lisibilité et de conformité avec le droit international » dans la politique du gouvernement algérien, note un bon connaisseur du pays. « Tout est fait d’un côté pour donner une impression d’ouverture aux investissements étrangers, mais de l’autre on multiplie les barrières à l’importation ». Les pratiques dénoncées par la Commission européenne « ne sont que la manifestation d’un problème plus profond », poursuit-il : « la difficulté des élites algériennes à avancer vers un modèle d’économie de marché car cela remet en question des rentes et des intérêts établis. C’est une mue exigeante. »
Sophie Amsili / source https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/commerce-lue-lance-une-procedure-contre-lalgerie-2101993